
Bonjour Clémentine, pouvez-vous nous parler de votre parcours pour devenir responsable de la recherche et du développement dans le secteur œnologique et comment vos études à Montpellier SupAgro ont influencé votre carrière ?
Après des études à AgroParisTech et Montpellier Supagro, j’ai obtenu mes diplômes d’ingénieur agronome et d’œnologue. Ces études ont été déterminantes dans ma carrière. J’aime travailler de façon globale et mon premier poste au SICAVAC à Sancerre en tant que conseillère en viticulture et en œnologie m’a permis d’aborder des thématiques techniques poussées sur les deux aspects vigne et vin avec une approche déjà orientée vers l’expérimentation.
J’ai toujours eu un attrait pour la Vallée du Rhône septentrionale et en 2020 j’ai pu m’installer dans cette région pour un poste au laboratoire Dubernet à Tain l’Hermitage où j’ai continué mon expérience dans le conseil œnologique et viticole au sein d’une équipe dynamique et passionnée. A la suite de cette expérience, je suis entrée en 2024 aux domaines Paul Jaboulet Aîné – entreprise dans laquelle j’avais pu réaliser mon stage de fin d’études en 2014 sur la biodynamie. Je continue donc de travailler de l’amont de la filière vers l’aval puisqu’à la suite d’un suivi poussé des essais viticoles en saison, je suis chargée de la micro-vinifications de ces essais et de l’organisation des dégustations qui réunissent toute l’équipe technique du domaine.
Dans votre rôle chez Domaines Paul Jaboulet Aîné, comment intégrez-vous les pratiques biologiques et durables dans le développement de nouveaux vins ?
Les Domaines Paul Jaboulet Aîné sont certifiés en Agriculture Biologique (AB) depuis 2016. L’entreprise est très orientée vers les aspects durables, sur tous les secteurs d’activités qu’elle regroupe.
La plupart de mes missions sont en lien avec les techniques de pérennisation du vignoble dans un contexte de climat changeant. Ce sont des essais qui sont conduits sur plusieurs années afin de refléter l’influence des millésimes sur les pratiques durables mises en œuvre au vignoble et à la cave. Une fois validées, ces pratiques sont transmises aux équipes sur le terrain et sont appliquées sur le long terme.
En tant qu'ingénieur agronome et œnologue, quels sont les principaux défis que vous rencontrez lorsque vous essayez de promouvoir les vins biologiques sur le marché français et international ?
L’offre de vins biologiques s’est étoffée il y a quelques années pour se ralentir dans un contexte de production compliquée par des climats extrêmes (le millésime 2024 en est un parfait exemple à l’échelle nationale). Le défi de taille est donc d’assurer une production viticole en quantité suffisante et de qualité optimale tout en s’adaptant à l’exigence des marchés qui peuvent être très fluctuants selon les contextes géopolitiques. Nous sommes convaincus de la richesse de nos terroirs et nous apportons un soin extrême à chaque étape de notre production pour obtenir de grands vins très qualitatifs et authentiques.
Pour quelqu'un qui ne connaît pas bien les vins biologiques, comment expliqueriez-vous les avantages et les particularités de ces vins par rapport aux vins conventionnels ?
La production de vins biologiques est encadrée par un cahier des charges. Cela garantit une production sans recours aux molécules organiques de synthèse qui sont remplacées par l’utilisation raisonnée de matières premières d’origine naturelle. Une exploitation biologique emploie également plus de personnes qu’une exploitation conventionnelle et possède donc un rôle social important. Les vins obtenus sont de même qualité que les vins conventionnels, avec toutefois une tendance à une expression plus profonde et précise du terroir.
La durabilité est un enjeu majeur dans l'agriculture et la viticulture aujourd'hui. Pouvez-vous nous expliquer comment cela influence votre approche de la recherche et du développement des vins ?
Cela est sous-jacent à tous les sujets de recherche et développement mis en œuvre tant au vignoble qu’à la cave. Comment s’adapter sur le long terme à un climat changeant tout en continuant à produire de superbes vins avec un bon potentiel d’évolution. Les thématiques peuvent être variées : le matériel végétal, les itinéraires culturaux, la gestion de la pérennité du vignoble, la conservation d’un potentiel œnologique (pH, acidité…), le choix de partenaires locaux, les options de vinifications, d’élevage et de conditionnement…
Pouvez-vous partager un projet personnel ou un vin spécifique que vous avez développé et dont vous êtes particulièrement fière ? Quelles ont été les étapes clés de ce projet ?
Il est encore tôt pour vous exposer ce genre de développement puisque j’occupe mes fonctions depuis un an. Mais il existe un joli projet qui a été initié en 2015 sur la connaissance génétique du potentiel de certaines vieilles vignes du domaine. Les individus sélectionnés ont été greffés dans une parcelle qui ne permettait pas jusqu’alors d’obtenir des vins dignes d’une cuvée de haut rang. Les micro-vinifications de ces sélections massales ont permis d’obtenir des vins de grande qualité, mettant en évidence l’importance de la conservation du potentiel génétique de ces vignes âgées.
Comment voyez-vous l'évolution du marché des vins biologiques et durables dans les prochaines années, et quel rôle envisagez-vous d'y jouer en tant que responsable R&D ?
Seules les entreprises qui sauront s’adapter aux exigences d’un marché toujours plus concurrentiel réussiront à tirer leur épingle du jeu. L’enjeu réside avant tout dans la régularité de la production, le soin amené aux vinifications et la mise en adéquation de l’attente des consommateurs avec les vins produits au domaine.
Comme évoqué plus haut, la durabilité est l’enjeu majeur des entreprises actuelles. Les innovations adaptées à notre éthique et la mise en application des sujets concluants de recherche nous permettrons de continuer à produire de grands vins de qualité à un coût raisonné.
Pour en savoir plus : https://jaboulet.com